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Publié le 20 juillet 2020 | Mis à jour le 20 juillet 2020
Étude expérimentale du symbolisme sonore et réflexions évolutionnaires
par Léa De Carolis, sous la direction de François Pellegrino et de Christophe Coupé
Un mot et une signification peuvent entretenir une relation naturelle, motivée, plutôt qu’arbitraire, via la composition segmentale dudit mot. Ce phénomène est souvent appelé symbolisme sonore, même si nous préfèrerons employer le terme de motivation par la suite. Dans la littérature, des éléments en faveur d’une relation motivée apparaissent à la fois dans des analyses translinguistiques et des expérimentations psycholinguistiques. Par exemple, une voyelle fermée telle que [i] est davantage associée à la petitesse qu’une voyelle ouverte telle que [a], davantage associée à une taille importante. Ce schéma apparait à la fois dans les lexiques de différentes langues (Ohala, 1997) et dans les résultats de tâches d’associations (Sapir, 1929), avec des participants parlant différentes langues et à différents âges. Du fait de ces éléments communs (Iwasaki et al., 2007) et de leur précocité (Ozturk et al., 2013), il est possible de formuler l’hypothèse que la motivation a pu être un élément clé dans l’émergence du langage (Imai et al., 2015), en facilitant les interactions et l’accord entre les individus.Cette thèse offre plusieurs contributions méthodologiques à l’étude des associations motivées entre formes phonétiques et significations. La première étude a pour objectif de déterminer si des caractéristiques associées à des animaux (e.g. la dangerosité) ou à leurs catégories biologiques (oiseaux vs. poissons, sur la base de l’étude conduite par Berlin en 1994)peuvent représenter des concepts pertinents dans la mise en évidence d’associations motivées, en se basant sur l’hypothèse que les animaux étaient des sujets récurrents et importants des premières interactions langagières (en tant que potentielles sources de nourriture ou de menace). Cette étude a soulevé des questions méthodologiques, qui ont conduit à une seconde étude, dont le but était de comparer différents protocoles de tâches d’association que l’on peut trouver dans les études sur la motivation. En effet, les protocoles et les populations étudiées varient d’une étude à l’autre, et il est ainsi difficile de déterminer quel est le contraste le plus déterminant pour la mise en valeur expérimentale d’associations motivées : le contraste phonétique, ou le contraste conceptuel. Cette deuxième étude a ainsi permis d’apprécier l’influence de différents protocoles en contrôlant d’autres sources de variations à travers les différentes tâches. Elle a aussi permis de mettre en évidence la nécessité d’étudier davantage les processus cognitifs impliqués dans les associations. Ainsi, nous avons poursuivi notre investigation en noustournant vers l’influence de la forme des lettres, un facteur potentiellement déterminant dans les tâches ‘bouba-kiki’, comme l’ont proposé Cuskley et al. (2015). Bouba-kiki est un paradigme très répandu dans l’étude des associations motivées et consiste à associer des pseudomots avec des formes pointues ou arrondies. Cuskley et al. ont proposé qu’une forme pointuefaciliterait le traitement d’un pseudo-mot contenant une lettre anguleuse, telle que ‘k’. Dans notre troisième étude, nous avons adopté une version implicite de la tâche bouba-kiki, plus précisément une tâche de décision lexicale, en nous basant sur une étude antérieure de Westbury (2005). Dans cette expérience précédente, des cadres pointus et arrondis, dans lesquels apparaissaient les stimuli linguistiques, facilitaient le traitement de pseudo-mots en fonction de leurs compositions segmentales (e.g. les formes pointues accéléraient le traitement d’occlusives non-voisées telle que [k]). Nous avons manipulé les formes des lettres via deux polices de caractères différentes, une anguleuse et une curviligne, et avons ainsi essayé de démêler lesimpacts respectifs des formes des cadres et des polices sur les temps de réponse des participants. Les résultats ont mis en lumière l’importance de prendre en considération des processus visuels de bas-niveau dans l’étude des associations motivées.