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Humour, pouvoir et politique
Du 19 octobre 2023 au 20 octobre 2023
Appel à contributions pour le colloque
Humour, pouvoir et politique
Aix-Marseille Université, Campus Schuman
19-20 octobre 2023
Au cœur des débats sur l’humour qui agitent parfois nos sociétés libérales se pose la question de l’existence du sacré – et de l’impunité de celles et ceux qui s’en moquent et le tournent en dérision. « Peut-on rire de tout ? ». Oui, répondent les tenants d’une liberté d’expression sans concession. « Rien n’est sacré. […] Aucune idée, aucun propos, aucune croyance ne doivent échapper à la critique, à la dérision, au ridicule, à l’humour, à la parodie, à la caricature, à la contrefaçon », soutient ainsi l’essayiste Raoul Vaneigem (2015 : 28). « Oui, mais pas avec n’importe qui », répondait naguère avec plus de circonspection l’humoriste Pierre Desproges, dans son réquisitoire contre Jean-Marie le Pen au Tribunal des Flagrants délires[1].
Se pose ainsi la question des liens entre humour, pouvoir et politique, et par là même des rapports de l’humoriste aux dominants, à la norme, aux institutions, au bon goût, aux bons usages, etc. Ceci alors que l’acception commune du terme humour – défini comme une « forme d’esprit railleuse qui attire l’attention, avec détachement, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité » (Trésor de la langue française informatisé, s.v.) – laisserait plutôt inférer une certaine distanciation vis-à-vis des aspects politiques et sociétaux. D’un point de vue linguistique, l’ambivalence entre moquerie et aspects plaisants réside dans le fait que l’humour – et le rire qui lui est très souvent associé – crée une connivence entre interlocuteurs, associée à un décrochage énonciatif permettant à la personne qui parle de se désengager et de désamorcer un propos éventuellement perçu comme agressif (« mais non, je plaisantais » ; « c’était pour rire ! »). En analyse du discours, une lecture polyphonique de l’humour permet de montrer en quoi l’humour résulte de la co-occurrence de plusieurs voix au sein d’un même énoncé, expliquant le détachement de l’humoriste (Priego-Valverde 2003 ; Rabatel 2013).
Malgré cette forme de détachement, l’humour est tout sauf inoffensif : créer la connivence avec les uns, c’est aussi exclure les autres, une arme fréquemment utilisée dans les joutes politiques (Charaudeau 2013). L’une des théories les plus anciennes sur l’humour est d’ailleurs celle de la supériorité (aussi dite de l’hostilité ou de la dérision), défendue depuis Aristote jusqu’à Billig (2005) : elle considère l’humour comme une forme d’agression contre une cible qui peut être la locutrice ou le locuteur en personne (auto-dérision), l’interlocuteur ou encore un tiers.
Le terme générique humour ne doit pas non plus tromper sur le caractère multifonctionnel et multiforme des phénomènes qu’il recouvre. Les nombreuses notions apparentées (comique, satire, ironie, amusement…) forment une « galaxie lexicale » (Chabanne 2002) et posent de nombreuses questions d’étiquetage (voir Attardo 2020 : 7‑14). Ce sont justement les formes plurielles que revêt le « politiquement incorrect » (Prak-Derrington & Dias, sous presse) de l’humour qu’entend questionner cette journée d’étude.
En associant explicitement l’humour avec les notions de pouvoir et de politique, nous entendons mettre en avant, d’une part, le rôle de l’humour dans les discours publics et l’organisation de la vie en société (au sens large de politique) et, d’autre part, les rapports de pouvoir qu’il induit entre les partenaires de la communication, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes. Dans la grave période de crise (démocratique, environnementale, géopolitique) que nous traversons actuellement, le besoin est plus criant que jamais « de suspendre, l’instant du jeu, l’angoisse de la fatalité du monde » (Charaudeau 2006 : 22).
En ce qui concerne les discours publics, on sait qu’il existe certes des genres institués de l’humour (blague, stand-up, one-man/woman show…), mais l’humour est loin de se cantonner à ces espaces. On se penchera donc en particulier sur les cas où l’humour devient une stratégie discursive non instituée. Les stratégies humoristiques y permettent notamment de capter l’attention et de dissimuler la visée persuasive de ces mêmes discours (Soulages 2006). On pourra en ce sens s’intéresser à différents domaines (politique, économie, culture, publicité, didactique…), ou à de nouveaux formats de communication tels que les réseaux sociaux numériques (contenus humoristiques viraux, mèmes…).
L’emploi de l’humour dans ces différents contextes tend à suspendre les principes de coopération que sont la sincérité, la pertinence, la clarté et la quantité (communication dite non bona fide, Raskin 1984). On s’intéressera par conséquent à la manière dont l’humour reconfigure les rapports de force entre les personnes concernées, qu’elles produisent de l’humour ou en soient la cible (l’humour marseillais vs l’humour sur les Marseillais, voir Gasquet-Cyrus 2004 ; Gasquet-Cyrus & Planchenault 2019). On pourra s’interroger sur l’humour comme arme de résistance (par exemple Camarade & Goepper 2019 ; Rodrigues & Collinson 2015) ou encore sur sa capacité à conforter une culture de groupe ou à isoler un groupe : on parle par exemple de l’humour des jeunes (Coupland 2004) ou de l’humour des femmes opposé à celui des hommes (Kotthof 1996 ; Holmes et al. 2001 ; Greengross 2020), mais les études sociolinguistiques en la matière demandent à être approfondies (voir Attardo 2020 : 309). Et de manière générale, on pourra prendre en considération la façon dont l’humour participe de la construction de l’image des locutrices et des locuteurs (voir Priego-Valverde 2007 au sujet de l’auto-dérision).
Les propositions de communication pourront porter sans exclusivité sur l’un ou plusieurs des aspects évoqués. Une perspective contrastive franco-allemande ainsi que des réflexions portant sur d’autres aires linguistiques et culturelles sont également bienvenues. Les travaux issus de cette journée donneront lieu à une publication après expertise. Les personnes intéressées sont invitées à soumettre une proposition de contribution en français de 300 à 500 mots environ, ainsi qu’une courte notice biographique d’ici le 1er mars 2023.