Publié le 20 juillet 2020 | Mis à jour le 20 juillet 2020

Développement du lexique précoce chez des enfants français monolingues : analyse des différences inter-individuelles via des approches complémentaires et une prise en compte des contextes de production

par Ludivine Glas, sous la direction de Sophie Kern

L’acquisition du lexique précoce est très importante dans le développement du langage dans la mesure où les mots sont constitutifs des énoncés signifiants de l’enfant mais également car leur développement préfigure dans une certaine mesure les habiletés langagières ultérieures. Il est aujourd’hui admis que l’acquisition du lexique se fait sur la base d’étapes communes mais au sein desquelles il existe de fortes variations inter-individuelles, qui selon les chercheurs seraient d’ordre linguistiques, sociales ou idiosyncrasiques. Cependant, il reste encore des zones d’ombre, notamment sur l’influence possible des méthodes d’évaluation sur les résultats ; et malgré le fait que certains chercheurs conseillent l’utilisation conjointe de plusieurs méthodes de collecte pour éviter cette influence liée à la méthodologie, cette préconisation est peu suivie.Cette thèse vise à étudier les trajectoires développementales du lexique en production et leurs variations selon les enfants ; plus spécifiquement, il s’agit de montrer l’apport de méthodes complémentaires et l’importance de l’exploration du contexte de production des mots lors des observations spontanées en milieu naturel pour mieux interpréter les différences inter-individuelles.Des questionnaires parentaux ont été remplis pour 10 enfants français monolingues de 8;16 à 32;27 mois, que nous avons régulièrement filmé en milieu naturel (corpus TOTAL). Globalement, le développement et la composition du vocabulaire des 10 enfants évalués par l’IFDC suivent les tendances observées dans la littérature. Nous nous sommes ensuite focalisés sur 4 de ces enfants pour les stades linguistiques 15-25 ; 50 ; 70-120 mots (corpus CIBLÉ). L’utilisation des deux méthodes – questionnaires parentaux et données spontanées – a permis d’évaluer le développement lexical de manière plus fiable et complète, les avantages d’une méthode permettant de combler les limites de l’autre. Afin de mieux comprendre les divergences de certains résultats entre ces deux méthodes, nous avons poursuivi nos investigations sur les données spontanées des 4 enfants en examinant les contextes situationnels et interactionnels. Nous avons défini et catégorisé les situations présentes dans les enregistrements du corpus TOTAL. Une variation dans les durées de ces diverses situations a été trouvée entre stades linguistiques et entre enfants du corpus CIBLÉ. Des analyses croisées sur la production du vocabulaire en fonction des situations ont permis de réinterpréter les différences inter-individuelles des 4 enfants du corpus CIBLÉ. Par exemple, il est apparu que les deux enfants dont les effectifs de mots sont les moins élevés au niveau des données spontanées ont été davantage filmés en situation ludique solitaire ; situation où les analyses révèlent que le nombre d’unités lexicales produites est le plus faible. Ensuite, un autre travail a consisté à décrire le contexte interactionnel et plus précisément à comprendre les implications des enfants dans les échanges interactionnels. Beaucoup de différences inter-individuelles sont apparues, dont certaines nous permettent de clarifier les données des enfants. Ainsi, chaque analyse apporte des informations complémentaires – du vocabulaire estimé des questionnaires parentaux, au vocabulaire en usage enregistré en milieu naturel. En dépit du nombre restreint d’enfants qui composent cet échantillon, ces résultats encouragent l’utilisation de méthodes complémentaires. L’analyse des contextes situationnels et interactionnels nous semble aussi cruciale pour comprendre les mesures lexicales des enfants et mieux interpréter les différences intra et inter-individuelles.